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Les bateaux qui souhaitent accéder à la Rade de l’île d’Aix et à l’embouchure de la Charente doivent éviter les zones périlleuses des rochers des Baleines à l’extrémité nord-ouest de l’île de Ré et du rocher d’Antioche au nord-est de l’île d’Oléron. En effet, ces récifs très dangereux ont depuis toujours provoqué de nombreux naufrages.
Dès la fin du 17e siècle, pour sécuriser l’accès à l’arsenal de Rochefort, Colbert a ordonné la construction de deux phares à l’entrée de l’estuaire : la tour des Baleines, bâtie en 1682 sur la pointe de l’île de Ré et la tour de Chassiron bâtie trois ans plus tard sur la pointe de l’île d’Oléron. Avec Cordouan, rebâti entre 1582 et 1611 à l’embouchure de la Gironde, ils ont été les trois premiers phares construits en France. Leur rôle était d’indiquer aux bateaux l’emplacement de la côte et des récifs, grâce à leurs feux placés en hauteur.
Initialement constitué de simples feux de bois allumés sur une plateforme en plein air, l’éclairage des phares a dès le 18e siècle été amélioré par la création de lanternes fermées par des parois en verre. L’alimentation du feu s’est ensuite faite au charbon puis par des systèmes de lampes à huile, progressivement améliorés avec des mèches multiples et des mèches cylindriques, puis l’ajout de pompes à huile. Pour augmenter l’intensité de la lumière, des miroirs réflecteurs ont été ajoutés. Les réflecteurs paraboliques concentraient la réverbération dans un rayon restreint, formant ainsi un faisceau lumineux, parfois associé à des ébauches de système tournant.
A la fin du 18e siècle, Cordouan a été transformé et rehaussé de 18 mètres, ce qui a permis d’augmenter de manière conséquente la portée de son éclairage. Puis, en 1823, l’ingénieur et physicien Augustin Fresnel y a testé et mis en place son nouveau système de diffusion de la lumière qui a révolutionné l’optique : la lentille de Fresnel, composée de multiples anneaux de verre concentriques qui augmentent la portée et la largeur du faisceau lumineux. Cette invention est toujours employée de nos jours dans les phares mais elle a également trouvé de nombreuses autres applications, depuis les projecteurs de cinéma jusqu’aux casques de réalité virtuelle.
Avec la création en 1811 au niveau national d’une commission des phares naît une politique de signalisation des côtes de France. Elle se concrétise par la construction de phares, établis selon un maillage précis. L’embouchure de la Charente est évidemment concernée avec la modernisation des phares existants.
En 1836, la tour du bout du monde sur l’île d’Oléron, jugée obsolète, a été remplacée par l’actuel Phare de Chassiron. Ce cylindre de pierre de 43 mètres de haut comporte à son pied une rotonde qui servait de logement aux gardiens et de magasin de stockage. Après Cordouan il a été l’un des premiers phares équipés d’une lentille de Fresnel. Il a été peint de bandes noires et blanches en 1926 pour être plus visible et se distinguer du Phare des Baleines sur l’île de Ré. Ce dernier, mis en service en 1854, a pris le relai de la vieille tour des Baleines, qui a malgré tout été conservée. Construit en calcaire local, il comporte des éléments en granit bleu du Finistère, comme la balustrade et ses consoles, ou l’escalier. Sa tour cylindrique à l’intérieur est octogonale à l’extérieur. Elle est surmontée d’une lanterne en métal rouge ornée de gargouilles à têtes de lions. En 1882, son système d’éclairage a été électrifié, tout comme 12 autres phares français. Un système de moteur à vapeur produisait l’électricité qui alimentait des appareils d’éclairage magnéto-électriques.
Entre 1902 et 1905, l’éclairage au gaz acétylène, produit par combustion de charbon, est expérimenté à Chassiron. L’électricité ne s’est généralisée à l’ensemble des phares que dans les années 1950.
En complément de ceux des îles de Ré et d’Oléron, un phare de plus petite taille a été édifié sur l’île d’Aix en 1841 pour améliorer l’entrée dans la rade. Une tour jumelle munie d’un écran réflecteur rouge a été ajoutée pour augmenter la précision du signal lumineux, avec deux points clignotants au lieu d’un.
Ce sont en tout 7 signaux lumineux de différentes catégories qui ont été implantés à l’entrée de l’estuaire de la Charente. Les phares de 1er ordre, comme Chassiron et le phare des Baleines sont les plus hauts, visibles de très loin pour les bateaux navigant au large. Chacun d’entre eux éclaire différemment, avec une séquence de clignotement plus ou moins longue qui est sa signature et qui permet de le reconnaître facilement, même à grande distance.
Les phares de 2e et 3e ordre, de taille plus modeste et de portée plus réduite, signalent des dangers localisés, comme les rochers de Chanchardon situés dans le pertuis d’Antioche. Un phare y a été bâti en 1919 afin de faire cesser les naufrages sur ce dangereux récif. Le phare d’Antioche, construit 5 ans plus tard sur le rocher du même nom, assure la même fonction.
Le 4e ordre désigne les petits feux directionnels qui guident les bateaux dans les chenaux ou les ports. De chaque côté de l’embouchure de la Charente, à Soumard et Port des Barques, 4 feux de ce type ont ainsi été implantés pour indiquer par leur alignement l’orientation du chenal. En effet ce dernier forme un coude et oblige les bateaux à prendre un virage.
Les phares sont surtout utiles en pleine nuit mais également de jour dans les intempéries ou par temps de brouillard, lorsque la mer, le ciel et la terre se confondent. Même si les bateaux sont aujourd’hui tous équipés de systèmes de navigation par GPS ou autres technologies modernes, les pannes sont toujours envisageables. Dans ce cas, un phare peut encore sauver des vies.